Togo -
Le 1er Vice-président de OBUTS, Gérard Adja a au cours d’une interview exclusive à iciLome.com, a fait une analyse du discours du Chef de l’Etat Faure Gnassingbé, expliqué pourquoi son parti propose une nouvelle vision pour le changement au Togo. Dans cette interview, M.Adja qualifie discours de Faure Gnassingbé « d’incomplet ».
Il aborde aussi, le message de vœux de l’OBUTS, message dans lequel, le parti a critiqué la façon de faire du Collectif Sauvons le Togo (CST), les recommandations de la CVJR. Il reconnaît par ailleurs la souffrance des togolais due à l’incapacité du pouvoir et de l’opposition à faire une proposition d’alternative crédible. Cette proposition, parce qu’après, plus de 25 ans de lutte, l’OBUTS pense qu’il faut emprunter une nouvelle piste. Pour Gérard Adja, il faut s’inspirer de l’expérience de feu Nelson Mandela qui malgré toutes les humiliations, a pardonné et a réussi à intégrer tout le monde en Afrique du Sud. Lisez.
iciLome.com : Bonjour M.Gérard Adja
Gérard Adaja : Bonjour !
iciLome.com : Le 31 décembre 2013, Faure Gnassingbé s’est adressé au peuple togolais. Vous avez lu certainement son message, quelle analyse faites-vous de ce discours de manière ramassée ?
Gérard Adaja : J’ai lu le discours du chef de l’Etat, mais quand j’ai examiné l’entièreté de ce discours, j’ai trouvé que, c’est comme un rituel que le chef de l’Etat a respecté, c’est-à-dire à la fin d’année, on adresse un discours de souhait, de vœux aux populations sans tenir compte de la particularité de la situation dans le pays. J’ai trouvé le discours un peu incomplet, parce que je suis resté sur ma soif. J’aurais aimé que le chef de l’état aille au-delà après avoir dit tout ce qu’il a dit. Je crois qu’en tant que premier responsable du pays, il devrait donner des signes, de grands signes d’espoirs au peuple togolais, il ne l’a pas fait.
iciLome.com : Vous parlez de quels grands signes par exemple ?
Gérard Adaja : Vous savez, notre pays est à la croisée des chemins. Le chef de l’Etat est bien conscient. Notre constitution a prévu que, le président de la république soit élu pour cinq ans, renouvelable une fois. Normalement, il est en train de faire son dernier si on devrait respecter la constitution. Est-ce qu’il attend la respecter ? Je crois que, ce devra être un message fort qu’il doit adresser au peuple afin qu’on sache où nous allons. Secondo, il y a beaucoup de réformes qu’il devrait faire depuis 2006, après l’accord politique global (APG) conclu entre les acteurs politiques. Le chef de l’état était celui qui était chargé de mettre en application cet accord, il ne l’a pas fait jusqu’à présent et nous ne savons pas pourquoi il traîne à faire cette réforme. Nous aurions aimé qu’il nous dise un mot sur ces réformes, parce qu’on doit comprendre quand même qu’on tend vers la fin normale de son dernier mandat ; ensuite les conclusions du rapport de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) qui doit conduire le pays à une réconciliation, le chef de l’Etat devra aborder cette question dans son discours : est ce qu’il veut réconcilier les togolais ? On ne ressent rien dans son discours. Moi je dis, je serai à la place du chef de l’état, je crois que, vu son âge et toute la sagesse qu’il a acquise avec ce parcours, il doit normalement se mettre dans le rôle de Frédérik Declerc en Afrique du Sud, en acceptant, l’ouverture démocratique (…), il ne l’a pas fait. J’ai trouvé dans son discours comme celui des autres chefs de parti politique. Il n’a pas marqué sa particularité, c’est dommage !
iciLome.com : OBUTS a dans son message de vœux au peuple togolais, critiqué le CST et cette sortie est interprétée diversement. Est-ce que vous avez compris les réactions des uns et des autres ?
Gérard Adaja : Tout d’abord, je tiens à faire une précision : le message que notre président national, Agbéyomé Kodjo a adressé tout dernièrement au peuple togolais, est un message qui s’adresse au peuple togolais et surtout, au pouvoir et à l’opposition. Nous avions fait une expérience de plusieurs années. Depuis 1990, le peuple togolais a manifesté son souhait de vivre ensemble et vivre mieux dans la démocratie (liberté de circulation, de travail, de vie) et ceux qui incarnaient cette conviction, n’ont pas su capitaliser toutes les forces vives qui ont voulu le changement. C’est par la trahison, les fautes stratégiques, c’est par l’incompréhension, le mépris des uns et des autres. On peut le dire ainsi, que l’opposition a échoué. Et donc, nous nous disons, après tout ce parcours, le pouvoir est toujours là, renforçant le système qui détruit le pays, donc le peuple est pris en otage entre un pouvoir qui n’arrive pas gouverner et une opposition qui n’arrive pas à proposer une alternative crédible. Ce qui fait que, le peuple s’appauvrit de plus en plus tous les jours. Nous avions compris qu’on peut faire une erreur, une fois, deux fois, mais perpétuer l’erreur, c’est-à dire continuer à faire les mêmes erreurs, devient diabolique. C’est pour cela que, nous nous sommes dits qu’il faut mener une réflexion pour proposer une autre alternative. Feu Nelson Mandela nous a donné l’exemple. A sa sortie de prison, 27 ans après, on a pensé que Mandela allait pratiquer une politique de vengeance ou de règlements de compte, il ne l’a pas fait; il a proposé une autre chose, le pardon et la réconciliation, c’est-à-dire sortir du système ségrégationniste pour rentrer dans un système qui intègre tout le monde à la gouvernance et il a réussi. Et nous pensons que Mandela a donné une leçon d’amour, de compréhension, d’humilité au monde entier. Nous voulons nous inspirer de çà pour proposer au peuple togolais, une autre façon de faire la politique, c’est-à-dire que, nous n’allons pas rester continuellement dans la contestation, dans le schéma de l’affrontement. C’est vrai, en Afrique du Sud ils n’ont pas laissé tomber la pression du peuple, c’est vrai, le peuple va exercer une pression mais au même moment que la pression du peuple continue, il y a des négociations qui ont été ouvertes entre le pouvoir et l’opposition, une initiative de Mandela pour demander à Declerc que vous avez l’obligation d’ouvrir le pays et c’est ce que nous proposons. Il faut créer un cadre de concertation de négociation pour faire comprendre à ceux qui nous gouvernent depuis des années, que vous avez fait votre temps, voilà l’état dans lequel le pays se trouve aujourd’hui, ça n’arrange personne, ni vous ni nous autres puisque le chef de l’Etat l’avait reconnu lui-même que, une minorité seulement profite de la richesse du pays, ce qui est anormal, nous pensons qu’on peut mieux faire, vous avez l’obligation d’accepter les autres pour que la gouvernance change. C’est ce schéma que nous proposons. Il est vrai que depuis très longtemps, la politique a fabriqué certains partis de l’opposition, je donne l’exemple du parti de Gilchrist Olympio avec son UFC. Ce parti, à chaque fois que, que quelqu’un veut faire une proposition, on le traite de tous les noms d’oiseaux et ce fait a tué beaucoup de leaders de l’opposition qui était des gens qui ont une bonne vision et approche pragmatique mais malheureusement, cette politique de dès que quelqu’un s’approche du pouvoir, on le vilipende, on le traite de diable a fait que, tous ces gens ont été grillés, or ce qu’ils proposaient étaient la solution ; de même, il faudrait que les gens du pouvoir comprennent que, dès que quelqu’un quitte le pouvoir et veut s’approcher de l’opposition, on le traite d’opposant ; cette manière de faire nous amène où ? C’est pour cela que nous disons non, il faut arrêter cette façon de penser, de faire la politique. On ne peut pas rester dans un pays où les politiciens se regardent en chien de faïence. Ceux qui interprètent cette façon comme une manière de se rapprocher du pouvoir pour une quelconque collaboration, cela les regarde et c’est cette politique qui a tué l’ensemble de l’opposition jusqu’aujourd’hui. Nous, nous sommes prêts à affronter tous ceux qui veulent bien nous dénigrer. Nous savons que c’est ça la solution. S’ils ont une solution, nous souhaiterions qu’ils proposent et nous allons analyser. Si depuis 25 ans nous ne sommes pas sortis de ce système et qu’aujourd’hui, on continue de pratiquer la même chose et ça ne donne aucun résultat, je considère que c’est être sur la voix du diable. Nous n’emprunterons plus cette voix.
iciLome.com : Qu’allez- vous faire pour que les hommes et femmes politiques d’autres formations s’associent à cette proposition ?
Gérard Adaja : Vous savez, c’est une proposition que nous faisons. Nous allons communiquer et si possible discuter avec les principaux leaders de partis politiques pour leur faire comprendre notre vision ; si les gens acceptent cette vision, nous allons ensemble travailler pour sa concrétisation, si les gens n’acceptent pas et font d’autres propositions qui seraient acceptables, nous aviserons et nous saurons comment faire pour nous intégrer cette vision. Mais s’ils n’ont pas d’autres solutions, nous souhaiterions que les gens analysent notre proposition. On a habitué les gens à ne pas critiquer certains partis de l’opposition alors que les gens inventent des histoires qui sont fausses (…).
iciLome.com : Peut-on parler de regret dans ce changement de cap dans la lutte pour un Togo démocratique ?
Gérard Adaja : Etre dans l’opposition, ne doit pas être considéré comme une profession. Il faut que les gens comprennent que, demain, nous aspirons à diriger le pays et si nous sommes arrivés au pouvoir, nous ne sommes plus de l’opposition. Il ne faut pas que, les gens puissent penser que, l’on doit rester éternellement dans l’opposition, (…). Je n’ai pas de regret, je continue par défendre ce que je défends, la vérité …
iciLome.com : A supposé que l’opposition reste dans sa vision radicale, alors que 2015 est proche. Peut-on espérer l’alternance en 2015 ?
Gérard Adaja : Nous venons de proposer une solution (….). Ceux qui pensent qu’ ils doivent continuer à adopter l’ancienne méthode qui n’apporte rien comme résultats, l’essentiel est que cette méthode leur apporte la solution et que la solution aide à sortir de ce cercle vicieux. Mais, si depuis 25 ans cette méthode n’a pas marché, je ne sais pas si en 2015, elle va marcher. Et je crains pour ça. Je lance un appel solennel aux leaders de l’opposition de réfléchir, il y a encore du temps pour qu’on change notre méthode de pratiquer la politique pour sortir le Togo dans cet engrenage. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de rater 2015, nous ne le souhaitons pas pour notre pays. Aussi bien les gens du pouvoir et de l’opposition doivent comprendre que, le changement fait partie de l’ordre naturel des choses et qu’un changeant, ce n’est pas contre X ou Y, mais c’est pour l’intérêt de tout le monde et de tous les togolais.
iciLome.com : Un message aux togolais de la diaspora
Gérard Adaja : Je crois que tous les togolais de la diaspora s’organisent, mais malheureusement, nous constatons que, cette division que nous constatons au sein de l’opposition au pays se retrouve au niveau de la diaspora et ça n’arrange personne. Ce qui fait que, la diaspora n’a pas l’information vraie et elle ne suit pas l’actualité au jour le jour et il y a de l’amalgame. Aussi, il y a l’hégémonie de certaines personnes qui se retrouvent chez la diaspora et les gens pensent que, c’est telle personne qui est populaire. Non. Mettons la balle à terre parce qu’il y a très longtemps, nous avons pensé que, le leader de l’opposition le plus populaire pouvait résoudre le problème du Togo, je parle de Olympio, mais ce dernier tout le monde a vu là où il nous amené. Ne commettons plus cette erreur croyant que, telle personne est populaire, c’est lui qui doit faire quelque chose et c’est la diaspora qui commet cette erreur et la diffuse au sein du peuple. Il faut qu’on analyse mieux la situation du pays et pouvoir régler la situation du Togo.