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Interview/«L’heure de la fin de la Françafrique a sonné sous Emmanuel Macron» (K. Yamgnane)
Publié le jeudi 11 mai 2017  |  aLome.com


© Autre presse par CAPE
Martin Kofi Yamgnane, homme politique franco-togolais


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Ancien Secrétaire d’Etat sous François Mitterrand en charge de l’Intégration de 1991 à 1993, ex-Conseiller régional de la Bretagne de 1992 à 1997, et député socialiste du Finistère de 1997 à 2002, Martin Kofi Yamgnane est un observateur averti des sociétés française et africaines. Dans la première partie du long entretien qu’il a accordé à «aLome.com», ce politique Franco-Togolais nous livre sa vision de la France et de l’Afrique sous Emmanuel Macron.




Vous avez lancé, dans le cadre de la dernière ligne droite de la campagne en prélude au second tour de la présidentielle en France, une pétition pour barrer la route de l’Elysée au Front National. Est-ce le Kofi Yamgnane socialiste, ex responsable politique français et européen ou citoyen du monde qui a parlé à cette occasion?

Vous savez, le FN est le fils utérin du fascisme européen des années 1930. C’est aussi le fils naturel de tous ces «Français» qui ont collaboré avec l’ennemi allemand contre lequel se battaient ceux qu’on a appelés «les tirailleurs sénégalais», mais qui étaient aussi tchadiens, congolais, dahoméens, togolais...etc. et dont le FN ne veut pas voir aujourd’hui les descendants en France.
Ma condition de citoyen du monde en général, et de fils de l’Afrique en particulier, me demande de livrer contre le FN un combat sans merci...

Qu’est-ce qui va fondamentalement changer en France avec l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence française?

Emmanuel Macron est juste âgé de 39 ans: l’histoire coloniale lui est donc totalement inconnue. Il va donc prendre ses relations avec le continent africain comme des relations diplomatiques normales. Il souhaite vraiment en finir avec les séquelles de la colonisation qu’il qualifie de «crime contre l’humanité», ce qui est tout à fait exact, puisque la colonisation n’est rien d’autre que le prolongement de l’esclavage sur place! Donc, je pense que l’heure de la fin de la Françafrique a sonné, ce qui va «civiliser» les relations entre la France (et donc l’Europe) et le continent africain et apporter du même coup un peu plus de sérénité et de paix entre la France et ses immigrés.

Faites-nous un portrait «light» d’Emmanuel Macron et du Mouvement «En marche», vus sous vos dehors socialistes…

Emmanuel Macron est un jeune homme intelligent, volontaire...mais pressé, ce qui n’est pas un défaut puisqu’il est en passe de remporter son pari ! Son mouvement «En Marche !» lui ressemble beaucoup: pressé! Pendant longtemps, j’ai pensé qu’ils étaient l’un et l’autre des impostures et que très vite, tout cela allait rentrer dans l’ordre de la latéralisation politique traditionnelle de la France. J’avais simplement oublié qu’il avait pris à ses côtés mon ancien collaborateur, Richard Ferrand, garçon intelligent et très organisé, qui allait additionner son savoir-faire à l’ambition de Macron...et ça marche.

Au regard de la férocité du débat du second tour de la présidentielle en France, devrait-on s’attendre à une plus rapide et démultipliée émergence de nouveaux Kofi Yamgnane et Pierre N’gahane dans la société française pour refléter davantage la diversité qui fait la force de l’Hexagone?

Oui absolument, tout cela devrait s’accélérer. J’avais espéré cela déjà de François Hollande, mais j’ai été extraordinairement déçu, puisque de ce point de vue, il a été en deçà même de Nicolas Sarkozy; ce qui n’est pas très flatteur, j’en conviens... Mais tout cela est désormais derrière nous, en tous cas, je veux le croire. Des nouveaux Kofi Yamgnane et Pierre N’gahane peuvent donc être naturellement attendus...

Quels devraient être les urgents chantiers politiques, économiques et sociaux du nouveau Président français, après le 07 mai 2017?

Forcément, ce sont les problèmes qui préoccupent les Français: la politique d’austérité qui a généré et entretenu le chômage et la pauvreté; la violence des intégristes dont les Français sont très inquiets. La solution à ce dernier mal ne devrait plus seulement être le combat armé contre Daech ou Aqmi, mais intégrer les causes profondes des mauvaises relations entre les dominés d’hier et les dominateurs.


Il s’agit désormais de comprendre que le monde a changé et que si rien n’est fait, le désir de vengeance des colonisés d’hier, la pauvreté et le sous-développement dont se sont rendus coupables les Occidentaux, resteront à l’ordre du jour. Il faut donc donner les moyens à ces «damnés de la terre» de se développer chez eux et pouvoir y vivre décemment. Voilà ce à quoi le prochain Président de la République française, membre décisif de l’UE, devrait s’atteler en priorité.

Le PS a reçu un coup sur la tête après le 1er tour de la présidentielle 2017 en France. De quelle manière devrait-il se remettre en ordre de bataille en prévision des élections législatives qui vont vite arriver?

Oui, le PS est assommé parce qu’il n’a pas compris assez vite les mutations de la société française qui demande davantage de justice et surtout une meilleure redistribution des richesses du pays: le peuple de France n’en peut plus des politiques d’austérité!


Le PS est resté enfermé sur lui-même: nous sommes passés d’un parti de militants (celui de François Mitterrand) à un parti de notables (celui de François Hollande): nous sommes donc aujourd’hui à la croisée des chemins. Ou bien nous l’aurons compris et alors nous avons l’obligation de procéder immédiatement à une analyse profonde de la société française, savoir pour qui nous devons militer, nous fixer des objectifs de progrès social pour tous les Français, travailler à une réforme profonde de l’Europe: fin de l’Europe de la finance et naissance d’une Europe sociale... Ou bien nous n’aurons toujours rien compris, et alors le PS est condamné à une rapide disparition...



Propos recueillis par Edem Gadegbeku


A SUIVRE...

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