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Togo-Proposition de loi ANC-ADDI/Débat à la Commission des lois: Députés séparés en queue de poisson, Faure Gnassingbé ne fera aucune réforme sans rapport de force conséquent
Publié le mercredi 24 mai 2017  |  L'Alternative


© aLome.com par Edem Gadegbeku & Parfait (Photo d`archive)
Vernissage d`une exposition consacrée à une visite historique effectuée en 1962 aux USA par Sylvanus Olympio
Lomé, le 26 avril 2017. Radisson Blu Hôtel 02 février. En présence de Gilchrist Olympio, de l`ambassadeur David Gilmour, d`Awa Nana-Daboya et de plusieurs invités de marque, Faure Gnassingbé préside le vernissage d`une exposition consacrée à une visite historique effectuée en 1962 aux USA par Sylvanus Olympio. G. Olympio. Faure Gnassingbé.


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La séance n’a pu aller à son terme jeudi dernier à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de l’Assemblée nationale. Les députés se sont séparés en queue de poisson, comme c’était le cas le 5 août 2016 où le président de la Commission, sur un coup de tête, a suspendu les travaux. Cette fois-ci encore, c’est le même monsieur qui veut outrepasser l’injonction de la Cour constitutionnelle qui demande à la commission d’«adopter son rapport et le déposer devant le bureau de l’Assemblée nationale».

Jeudi dernier donc, les députés, du moins ceux de l’opposition, s’attendaient à un débat de fond sur la proposition de loi portant révision constitutionnelle introduite à l’Assemblée nationale par le couple ANC-ADDI. Mais, c’est compter sans la versatilité des députés UNIR, surtout du président de la Commission des lois. «Hier (Ndlr, Jeudi dernier) à l’Assemblée nationale, la première surprise que nous avons eue, c’est qu’on nous a distribué un document portant mention ‘’Rapport d’étude de fond de la proposition des lois portant modification…’’

Et le président nous dit que la séance sera consacrée à l’adoption du rapport», a indiqué Me Isabelle Améganvi, présidente du groupe parlementaire ANC. Pour une surprise, ça l’est effectivement.

Puisqu’à en croire la 2e Vice-présidente du parti de Jean-Pierre Fabre, les membres de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de l’Assemblée nationale n’ont jamais procédé à l’étude de fond de cette proposition de loi.

«Nous leur avons demandé quand l’étude a été faite», s’est-elle indignée. Et de rappeler les événements qui s’étaient passés le 5 août 2016 où les travaux avaient été suspendus sur ordre du président de la commission. Il n’y avait pas eu le fameux débat général pour étudier article par article la proposition de loi. En réalité, selon Isabelle Améganvi, le rapport qu’a brandi le président de la Commission est un rapport de la séance. Le document relate seulement comment il est arrivé à suspendre la séance. Ce qui n’est d’ailleurs pas dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Un rapport d’étude de fond d’une proposition de loi doit comporter d’abord une introduction. Elle présente le projet ou la proposition de loi. Sur le fond, on y découvre la justification de la proposition de loi, également appelée l’exposé des motifs. Viennent ensuite les discussions en commission.

Deux phases marquent cette étape. Il y a en premier lieu le débat général. Là, ceux qui sont dans la commission posent des questions aux initiateurs du projet de loi. Ces derniers répondent, et les questions-réponses sont consignées dans le rapport. La seconde étape concerne l’étude particulière, c’est-à-dire l’étude du texte article par article.

Enfin, la conclusion du rapport qui stipule que la commission a récapitulé les travaux dans un tableau d’amendement. Ici, la Commission a deux formules. Lorsqu’il y a consensus entre les membres de la commission, le rapport se présente comme suit : «La commission propose le présent rapport adopté (Ndlr, date) à l’unanimité des membres présents de la commission». Dans le cas contraire, le libellé du rapport est différent. «Le présent rapport est adopté à la majorité des membres présents de la commission».

Et le rapport de conclure que, eu égard à ce qui précède, la Commission propose à l’Assemblée nationale l’adoption du texte qu’elle soumet à son appréciation. « C’est là que le rapport et le tableau d’amendement sont envoyés au président de l’Assemblée nationale qui, à son tour, les envoie en plénière, où l’étude et l’adoption se font pour aboutir au vote par oui ou par non », a confié Me Isabelle Améganvi.

Selon elle, il ne pouvait pas y avoir de problème si le rapport qu’on leur a présenté jeudi dernier comportait toutes ces procédures. D’ailleurs, on ne peut avoir un tel rapport, puisqu’il n’y a jamais eu d’étude de fond de la proposition de loi. Dans le fameux rapport du président de la commission, il a présenté l’introduction, ensuite ceux qui étaient là. « Et puis, au lieu de tomber sur les discussions générales, il a marqué ‘’discussion en commission’’. Alors il écrit : ‘’après la présentation de l’exposé de motif de la proposition de la loi par l’honorable Isabelle Améganvi, un des signataires, le président a ouvert un débat général.


Des préoccupations soulevées au cours du débat général, il se dégage deux positions’’. On n’a jamais vu ça. Il n’a pas à dégager les positions des gens. Il a à enregistrer les questions posées et à donner les réponses, tel que je vous l’ai dit tout à l’heure », a-t-elle déclaré. Ces micmacs du président de la Commission des lois constitutionnelles ont amené les députés à se séparer en queue de poisson. Une situation qui fait dire à la présidente du groupe parlementaire ANC que le régime prépare encore un coup de force à l’Assemblée nationale, malgré la décision de la Cour constitutionnelle.

Pour Me Isabelle Améganvi, les députés de l’UNIR montrent des velléités tendant à rejeter la proposition de loi introduite par l’ANC et l’ADDI. « La commission n’a pas compétence pour rejeter un texte. Nos collègues de l’UNIR le savent très bien », a-t-elle affirmé, avant de prévenir : « Nous n’aurons pas de sommeil, nous n’aurons pas de repos tant que ces réformes ne serons pas réalisées».

La tournure des événements à l’Assemblée nationale qui ressemble fort à une comédie ne doit étonner aucun observateur de la vie politique du Togo. Il y a longtemps que Faure Gnassingbé a tiré un trait sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles telles que prévues par l’APG. Le Président en exercice d’une institution de la République, notamment la Cour Constitutionnelle, Aboudou Assouma s’est permis de le dire de même que l’un des cadres de l’UNIR, Florent Manganawè. On se rappelle, les députés UNIR avaient rejeté à l’Assemblée nationale un projet de loi sur les réformes introduit par le gouvernement de Faure Gnassingbé. On est en face d’un jeu qui consiste à entretenir le dilatoire pour renvoyer aux calendes grecques les réformes pendant que Faure Gnassingbé se fait rédiger une Constitution pour un pouvoir à vie, par une commission de fameux intellectuels.

Depuis l’APG signé le 20 août 2006, un nouveau contrat politique qui a légitimé le pouvoir couvert du sang d’un millier de Togolais et entraîné l’opposition dans des querelles de chapelle sans fin, Faure Gnassingbé, au fil du temps, a trouvé une stratégie pour tourner en bourrique ses adversaires. On pourra aussi y ajouter le fameux accord RPT-UFC du 26 mai 2010 dont aucun point n’a été bien mis en œuvre à ce jour. Au finish, Faure Gnassingbé, mieux que son père a réussi par un tour de magie dont lui seul a le secret, à affaiblir l’ensemble de l’opposition, embarquant certains à la faveur d’un accord bidon dans un gouvernement, et d’autres un processus de normalisation de son régime à travers, là aussi, un statut de chef de fil qui a ravivé les luttes intestines au sein de cette opposition.


Ces différents chemins empruntés par certains leaders ont fini par avoir un effet de démobilisation sur les populations acquises au changement. Totalement affaiblie, surtout à la sortie de la présidentielle de 2015, l’opposition dans son ensemble peine à trouver les bonnes stratégies ; elle se contente de subir les humeurs du régime en adoptant presque la posture d’une entité qui réclame les réformes même si certains demandent aux populations de prendre leurs responsabilités. Un appel qui n’a pour le moment aucun écho auprès des mêmes populations dont la longue et permanente mobilisation depuis plus de 25 ans n’a débouché que sur des illusions.

Du côté de la communauté internationale, le drame togolais est devenu presque banal. Fini le temps où la démocratie, les élections libres et transparentes étaient une conditionnalité ; place aux affaires. Vu de l’extérieur, on a le sentiment que le statu quo fait l’affaire de la classe politique dans son ensemble pendant que les populations peinent à joindre les deux bouts.

La politique étant une question de rapport de force, il est évident que Faure Gnassingbé ne cédera rien à l’opposition tant qu’elle sera aussi faible, divisée, sans stratégie réelle et efficace. Il faut sortir de ce piège du dilatoire permanent et remobiliser pour créer un nouveau rapport de force par la mobilisation des populations. Visiblement, on est bien loin du compte, puisque dans les états-majors des partis politiques, les uns et les autres se préparent pour les législatives. Et c’est bien triste !

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