Dans une interview diffusée par La Croix, hebdomadaire de l’Eglise Catholique, le Président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) du Togo, Monseigneur Barrigah, disait en substance ceci : «Il suffit d’une étincelle pour embraser le Togo.»
Cette affirmation très préoccupante du père de la réconciliation entre Togolaises et Togolais, nous a alors vivement interpelés. Car elle n’est pas à prendre à la légère, compte tenu de la notoriété de celui qui l’affirme, un grand Homme d’Eglise doublé d’un pacificateur. C’est ce qui a motivé notre déplacement vers la capitale togolaise, Lomé, pour constater si ce risque peut se concrétiser, vingt-quatre heures (24 H) après le scrutin législatif. Le matin d’après… Voici notre compte-rendu, avec nos analyses.
Chronique d’un voyageur : «Le Matin d’après est un Matin calme !»
Au-delà des intérêts professionnels pour un journaliste béninois, ce qui se passe au Togo voisin doit être considéré avec grand intérêt. Parce que les deux pays, frères et amis, sont tellement liés que, s’il se passe quelque chose de grave au Togo, le Bénin ne manquera pas de sentir l’odeur âcre de la fumée qui s’échappera du feu togolais, si jamais l’étincelle tant redoutée, parvient à embraser le pays.
Plusieurs inquiétudes ont été exprimées avant le début du scrutin. Nous pouvons en retenir trois, que nos observations sur le terrain vont infirmer ou confirmer.
Primo, il s’agit des contestations par les partis d’opposition et du risque de boycott. Ainsi, à ce niveau, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que toutes ces contestations ont fini par accoucher d’une petite souris. Parce que les partis et coalitions de l’opposition togolaise, ont compris tout l’enjeu de ce scrutin, et l’importance de leur participation, dans le calme et sans violence. Alors, malgré quelques échauffourées enregistrées dans la soirée du jeudi 25 juillet, entre militants de l’opposition et Forces de l’Ordre (notamment devant la Radio privée Légende), on peut dire que tout s’est déroulé dans le calme et la sérénité.
Secundo, en ce qui concerne les prévisions d’une forte abstention, les Togolais ont confirmé toutes les inquiétudes des observateurs. Ainsi, il n’y avait pas grand monde dans les bureaux de vote, ce jeudi 25 juillet, pour les bureaux situés dans la capitale, Lomé, d’après les témoignages que nous avons pu recueillir sur place.
Enfin, tertio, l’intimidation et la répression policière et militaire, inquiétude des militants de l’opposition. Ce matin du vendredi 26 juillet, malgré les chaudes empoignades de la veille entre Forces de l’Ordre et populations, notamment à certains endroits comme Bè, nous n’avons noté aucun dispositif militaire exceptionnel. Pas de grands barrages policiers ; très peu d’hommes en uniformes dans les rues. En tout cas pas plus que d’ordinaire, puisque le Togo est un pays réputé pour son quadrillage par les Forces de l’Ordre. Aussi pouvons-nous affirmer que : Du Grand Marché d’Assigamè à Tokouin, d’Adidogomè au Campus Universitaire, d’Avepozo à Baguida, il n’y a pas de dispositif sécuritaire impressionnant.
Malgré toutes les inquiétudes qui pesaient sur le scrutin législatif, on peut dire que les Togolais ont réussi le pari de ces élections. Avec un seul bémol, le faible taux d’abstention, auquel on s’attendait déjà, selon toutes les prévisions. En effet, en redoutant la répression par les Forces de l’Ordre, avec la tension pré-électorale palpable entre opposants et pro-gouvernementaux, beaucoup de Togolais ont préféré rester chez eux, que d’aller voter pour des élections qu’ils considèrent comme «l’affaire des politiciens», selon les témoignages concordants recueillis.
Le matin d’après les Législatives 2013, ce vendredi, on pouvait noter la tranquillité sur les visages rencontrés à Lomé, avec une certaine gravité ou une anxiété par rapport aux jours à venir… Quand les premiers résultats officiels vont commencer à être publiés, avec les risques de contestations et les accusations de fraudes, de part et d’autre, notamment de la part des «minoritaires.»
Quoi qu’il en soit, quels que soient les résultats, nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’il n’y aura pas de «vaincus» pour ces Législatives togolaises, car, avec la participation de toutes les Forces Vives du Togo, à quelques exceptions près, c’est toute la Démocratie qui s’en sort ragaillardie, et renforcée, en attendant les prochaines confrontations électorales, seulement «électorale», nous l’espérons. Pour qu’enfin le peuple togolais trouve la paix, et puisse se consacrer à la construction de la Cité, la préoccupation de tous ceux que nous avons pu interroger. Parce que, «quand l’économie va bien, tout marche bien, y compris les politiciens qui sont obligés de se mettre au pas. Et toutes les contestations finissent toujours par se calmer.» Selon les propos d’une grande dame du Marché Central d’Assigamè, à Lomé.
Nous disons donc «bravo et merci aux Togolais», car le Matin d’après était un Matin calme, «l’étincelle tant redoutée» n’ayant pas pu mettre le feu à la poudre, pour embraser le pays. Monseigneur, le peuple vous a donc écouté, et se sent à présent près, pour asseoir véritablement la Vérité, la Justice et la Réconciliation au Togo.q
Paroles de Togolais
A défaut d’avoir été présent lors du déroulement du scrutin, ce jeudi 25 juillet 2013, nous sommes allés à Lomé pour mieux vous rendre compte de la réalité du terrain, après toute la tension palpable depuis quelques jours, entre les forces de l’opposition et le Parti au Pouvoir et ses alliés. Mieux que nos constats, voici quelques avis recueillis auprès de la population togolaise, à Lomé la capitale…
Un Agent de Police : «Vous pouvez constater par vous-mêmes ; tout est calme dans la capitale. Et malgré les appels à l’émeute par certains politiciens, les Togolais ont gardé leur calme, malgré les esprits échauffés d’hier. Nous attendons maintenant de voir comment les leaders de l’opposition vont réagir après la proclamation des résultats officiels, si jamais ils leur étaient défavorables…»
Billy, un charretier (pousse-pousseur) d’Assigamè : «Tant que nous, on a du travail, c’est que les élections se sont bien déroulées. Regardez autour de vous ; dans ce marché, tout est tranquille. On vend et on achète, et moi je transporte pour les gens qui achètent. Les politiciens même savent que le peuple en a marre de leurs querelles. Les Togolais veulent la Paix. Il faut qu’ils arrêtent maintenant. Ils n’ont qu’à faire leurs élections et qu’on en parle plus. Le plus important pour nous (les jeunes), c’est le travail. Edo Kpoé Milédji (Nous recherchons juste du travail)…»
Sandra, étudiante en Linguistique : «Tout s’est bien passé. On peut affirmer que les élections se sont bien déroulées. Le scrutin était calme et même à la fin. Sauf qu’il y a eu, hier (jeudi), quelques empoignades entre les militaires et les militants de l’opposition, devant la Radio Légende, une radio privée, qui a même failli être fermée. Ils ont arrêté les émissions. Je ne connais plus la suite, mais c’était chaud…»
Yvette, élève de Terminales : «Je suis allée voter. Tout était calme dans le bureau de vote où j’ai effectué mon devoir citoyen. Mais, il n’y avait pas beaucoup de monde. Peut-être que les gens avaient peur ; à cause des violences que tout le monde redoutait…»
La CENI en campagne pour des élections pacifiques
An vue d’exhorter le peuple togolais à aller accomplir son devoir citoyen, et en prévision du fort taux d’abstention annoncé par beaucoup d’observateurs, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) du Togo a multiplié les messages et les appels à la conscience citoyenne. Ainsi, à travers la ville de Lomé on peut noter la présence remarquable de nombreuses affiches grand format, avec des messages d’exhortation au calme, invitant les Togolaises et les Togolais à aller voter, pour accomplir leur devoir de citoyen, lors des élections législatives et locales… Dans la tolérance, et sans violence.
Voici un aperçu des messages que nous avons rencontrés sur des panneaux publicitaires géants à Lomé, la capitale togolaise… Signé par la CENI, en campagne, pour la Paix.
«Togolais, viens bâtissons la Cité… Votez dans la tolérance et sans violence, pour la Paix… J’ai ma carte d’électeur, je vote, ma Voix compte…»