Par Christian Kazumba, Directeur général AdKontact Mali et Burkina Faso
12 % tout au plus : telle est la moyenne du taux de bancarisation en Afrique subsaharienne (ratio le plus faible de la planète).
A l’inverse, le « mobile money » cher aux opérateurs de téléphonie mobile, né en 2007 d’une initiative kenyane avec le compte M-Pesa de Safaricom, a séduit un nombre impressionnant de consommateurs africains en quelques années seulement (le volume actuel des transactions réalisées grâce à ce système de portefeuilles électroniques est estimé à 17 milliards de francs CFA par jour en Cote d’Ivoire…).
Comment expliquer ce différentiel de performance ?
Si le « mobile money » est basé principalement sur la digitalisation des opérations et de la relation clientèle, les banques, quant à elles, n’ont pas su « surfer » sur ce concept qui, pourtant, parait incontournable en Afrique subsaharienne pour un certain nombre de raisons objectives :
La jeunesse des consommateurs
En Afrique de l’Ouest comme en Afrique centrale, 64% des habitants ont moins de 25 ans. L’appétence et l’agilité intellectuelle d’une grande partie de la population locale, pour tout ce qui est lié aux nouvelles technologies, ne souffrent donc d’aucune contestation possible. Ainsi, l’utilisation des réseaux sociaux, de l’internet mobile, des smartphones et des tablettes fait de plus en plus partie, et pour leur plus grand plaisir, du quotidien des jeunes.
La dispersion géographique de la population
L’’urbanisation en Afrique subsaharienne se développe à une vitesse impressionnante (et quelquefois inquiétante quand elle est mal maitrisée). Avec une progression de 1% tous les deux ans, l’Afrique noire est la région de la planète ou ce phénomène progresse le plus vite. Néanmoins, une immense majorité de la population (60 % en moyenne) vit encore dans des zones rurales, quelquefois difficiles d’accès voir totalement enclavées, du fait d’infrastructures publiques souvent défectueuses (moins de 5% des routes sont asphaltées en RD Congo…). En conséquence, la communication à distance, et notamment via la téléphonie mobile, constitue encore, et de très loin, le moyen le plus sûr et le plus efficace de pénétrer efficacement cette typologie de clientèle.
Un niveau de vie de la population encore faible et qui nécessite une offre de services accessible en termes de prix
La tarification des banques commerciales semble encore trop élevée et, en tout état de cause, inadaptée au pouvoir d’achat des africains dont 40 à 45% vivent encore avec moins de 1,25 dollar par jour. Il est vrai que faire du « retail banking » en Afrique coute beaucoup plus cher et comporte, en règle générale, davantage de risques qu’en Europe.
Ainsi, à titre d’exemple, des investissements importants et totalement indispensables dans le domaine de l’énergie (achat et maintenance de groupes électrogènes) ou de la sécurité (gardes armés et convoyeurs de fonds) génèrent un cout de gestion élevé en vue de l’entretien d’un vaste réseau d’agences sur l’ensemble du territoire national. Indiscutablement, les établissements financiers doivent trouver des solutions adaptées pour diminuer, de manière substantielle, leurs charges d’exploitation. Cela leur permettra de supprimer progressivement frais de tenue de compte, commissions exorbitantes sur les virements interbancaires ou prix prohibitifs relatifs à la mise à disposition de moyens de paiement, qui font obstacle à la vulgarisation de la banque commerciale en Afrique noire. La digitalisation, comme moyen de substitution aux guichets physiques, apparaît comme étant la solution la plus pertinente pour atteindre rapidement cet objectif.
L’arrivée à maturité du marché africain de la téléphonie mobile
Avec une moyenne d’un téléphone portable pour cinquante habitants et un taux de pénétration inférieur à 5 %, l’Afrique pouvait légitimement passer, à la fin des années 90, pour le parent pauvre de la planète en termes de téléphonie mobile. Grâce, notamment, à une politique commerciale agressive menée par les opérateurs de télécommunication locaux, un milliard de puces actives ont été répertoriées, à date, sur le continent et le taux de pénétration du secteur peut, d’ores et déjà, être évalué, à plus de 80%…
La conclusion est sans appel : la digitalisation représente une absolue nécessité pour les banques subsahariennes, si elles veulent continuer à peser sur l’environnement local, participer à l’inclusion financière des populations et surtout poursuivre leur développement commercial, dans un contexte africain rythmé par l’arrivée régulière de nouvelles technologies et qui nécessite une adaptabilité sans faille.... suite de l'article sur Autre presse